Enfant difficile : les comportements qui alertent
On entend beaucoup parler de l’enfant difficile, de l’enfant terrible. Enfant-roi, enfant-tyran, TOP ? Et si nous faisions un tri dans ces appellations ? Quels sont les comportements qui alertent et qui poussent les familles à consulter ?
Cet article est un épisode d'une série de plusieurs articles à propos des enfants difficiles : leurs comportements, les troubles associés, leur famille, les interactions, comment agir en tant que parent en fonction de chaque profil, comment canaliser son énergie et lui apporter plus de calme. Ceci représente un point de vue, au regard de mon expérience en cabinet et de recherches documentaires. Je ne prétends pas vous offrir la vérité absolue, mais un angle de vue si vous êtes parent et vivez cette situation. Certains d'entre vous se sentent maltraités par leurs enfants. Malgré tout et autant que faire se peut, restez convaincus que les enfants ne sont pas des tyrans. Vous trouverez des clefs dans cette série d'articles pour reprendre le lead sur votre famille, et apporter plus de calme et de coopération à votre enfant.
Pourquoi je vous parle des enfants difficiles ?
« En 2 ans, je suis devenue la Docteur House des enfants au comportement difficile pour les parents, les éducateurs »
Au début de mon activité
Au début de mon activité de thérapeute pour les enfants en 2018, j’accompagnais les enfants diagnostiqués, présentant une atypicité du neurodéveloppement. Ils m’étaient donc envoyés par des psychologues ou des médecins. Majoritairement j’accompagnais les enfants TDA/H (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) avec un Trouble de l’Opposition avec Provocation (facilement considérés comme des enfants difficiles !). J’accompagnais aussi les enfants à haut potentiel et les enfants présentant des troubles anxieux (pouvant également présenter des comportements jugés difficiles).
Ils retrouvaient calme, concentration, savaient faire un time out quand ils en ressentaient le besoin, retrouvaient confiance en soi et avaient plus de facilité pour se faire de bons copains.
D’où le nom de mon site : Zèbre Zen !
Les mois passant, de plus en plus de familles sont arrivées sans diagnostics ni bilans. Souvent envoyés de la part d’équipes pédagogiques des écoles dont le personnel n’arrivait plus à gérer les comportements difficiles des enfants, ou par des connaissances dont les enfants avaient retrouvé calme et coopération.
« Vu de l’extérieur, le comportement perturbateur, opposant, vindicatif, était le même que celui des enfants que j’accompagnais et pour lesquels j’avais de bons résultats. »
Que faire pour ces familles qui cherchent des solutions ?
Cependant, un comportement difficile n’est pas le même d’un enfant à un autre : il dépend aussi de la perception de celui qui le vit (personnel de l’éducation, parents, proches, …), il dépend de la famille (de ses interactions avec l’enfant, de l’histoire générationnelle), et il dépend aussi de possibles troubles ou atypicités propres à l’enfant.
Alors… pas bilan, pas de diagnostic, juste des gens qui n’en peuvent plus et qui doivent attendre des mois avant de pouvoir faire un bilan. Pressés comme des citrons et souvent culpabilisés par l’école et l’entourage.
ACTION !
J’ai mené mon enquête !
J’ai donc mené mon enquête (interviews, questionnaires, documentation, formations) pour comprendre et créer des processus d’accompagnement efficaces pour apaiser ces tensions car l’enfant, qui est au cœur du débat, passe son temps puni, mis à l’écart, et entend des reproches à longueur de temps.
« En somme, l’enfant reçoit de quoi cultiver le stress, l’anxiété, la colère, la tristesse. Et avec cela, on s’attend à ce qu’il soit heureux et coopératif ! «
Enfant difficile : quels comportements alarment les éducateurs ou les parents ?
Tous les comportements décrits dans cet article sont des comportements fréquents (qui se reproduisent plusieurs fois par semaine) et persistants au delà de 6 mois. Je ne vais pas aborder les classiques colères et comportements opposants transitoires.
TOP (Trouble de l’Opposition avec Provocation)
D’après mon expérience et ce que je peux en lire, le TOP est généralement associé au TDA/H et n’est jamais présent seul. Bien que les enfants peuvent présenter certains de ces comportements à certaines étapes de leur vie, le TOP s’inscrit vraiment dans la durée, c’est un trouble persistant.
“ À ce stade, beaucoup de ces parents signalent une dépression, une faible estime de soi dans leur rôle de parents et peu de satisfaction ou d’implication dans leurs responsabilités parentales. Dans certains cas, ces parents peuvent basculer entre un désengagement complet et des réactions trop dures face au mauvais comportement de leurs enfants, en fonction de leur propre humeur et de leur irritabilité du moment.”
R. A. Barkley
Nos clients nous racontent qu’avant l’entrée à l’école, ils avaient déjà remarqué ce fonctionnement chez leur enfant.
D’une manière générale on retrouve les éléments de comportements ci-dessous, que ce soit dans la littérature et dans les récits de nos clients. C’est ce que nous pouvons retrouver dans le DSM-5 ( Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques) de l’Association Américaine de Psychiatrie.
Une humeur colérique et irritable
- Se met facilement en colère
- Susceptible
- Agacé par les autres
- Fâché
- Plein de ressentiments
Un esprit vindicatif
- Se montre parfois méchant
Un comportement provocateur / querelleur
- Conteste ce que disent les adultes
- Refuse de se plier aux règles
- S’oppose activement
- Embête les autres délibérément
- Fait porter à autrui la responsabilité de ses mauvais comportements
Exemple en consultation : Camille 10 ans
Camille arrive en consultation à la suite d’un diagnostic de TDA/H. Elle sera médicamentée, et son psychiatre m’envoi sa famille afin de mettre en place une guidance parentale et/ou mettre en place avec Camille, des outils pour développer son potentiel avec son TDAH.
A l’école
A l’école elle est très agitée et est souvent punie. Elle a des difficultés à faire son travail jusqu’au bout, elle passe beaucoup de temps à « embêter » les autres et à s’agiter sur sa chaise voir même, de se lever. Camille est également décrite comme impulsive et parfois incontrôlable, « elle ne s’arrête jamais ». Elle n’écoute pas ce qu’on lui dit et répond avant qu’on ait fini de poser la question.
Toutefois, elle est décrite comme très polie, même si elle refuse de se plier aux demandes des adultes au premier abord et qu' »il faut insister, tergiverser pour qu’elle coopère ». Elle s’impose, prend toute l’attention, ce qui est source de rejet de la part de ses camarades. Quand une bêtise est faite dans la cours de récréation, tout le monde (même les adultes) disent « qu’est ce qu’elle a encore fait Camille ? ». Elle perd ses affaires, ne prend pas les bons cahiers. Elle a une copine très active comme elle, et n’arrive pas à nouer d’autres relations. Le personnel de l’école la décrit comme étant autoritaire avec les autres enfants et se mettant en colère si les autres n’accèdent pas à ses demandes.
« Elle ne s’arrête jamais ! »
Institutrice de Camille
Camille m’explique qu’elle voudrait arrêter d’être punie. Elle exprime aussi faire de son mieux et que c’est plus fort qu’elle.
Ce que disent les parents
Les parents racontent que jusqu’à 6 ans, elle se jetait sur la route, grimpait sur les canapés, s’opposait au règles et testait les limites de façon cyclique. Elle courrait dans les magasins et touchait à tout, il fallait la suivre partout sinon elle disparaissait ! Ils vivaient dans un stress permanent, n’osant plus sortir avec leur fille. Les proches et les amis étaient agacés par son comportement mais mentionnaient qu’ils voyaient qu’elle voulait bien faire, qu’elle avait un vrai fond gentil, d’autant qu’elle était très polie, mais qu’elle n’arrivait pas à se contrôler.
Retour
Dans cet exemple, malgré l’opposition, l’impulsivité, les colères, Camille a intégré les limites et les règles. Il faut les lui répéter, et le quotidien est compliqué pour les parents et le personnel éducatif car c’est une enfant qu’il faut « gérer » et qui demande beaucoup d’attention car elle est moins autonome que les autres enfants du même âge.
Enfant-Roi et ses interactions avec les adultes
Comme son appellation l’indique, l’enfant-roi est un roi ! Il n’accepte aucune frustration, il « pousse à bout » ses parents, les enseignants. On entend souvent dire qu’il teste : les adultes, les limites. Cet enfant est insatisfait, agité, irrespectueux envers les adultes, et n’a aucune retenue. Il se comporte comme cela avec ses camarades également ce qui lui attire souvent la violence des autres. Il est à l’extérieur comme il est à l’intérieur.
Dans la famille, il monopolise l’attention, il prend toute la place, coupe la parole.
La famille est parfois isolée car les amis finissent par éviter les invitations à cause de cet enfant souvent qualifié de « mal élevé ».
Exemple en consultation : Mathis 9 ans
Mathis est arrivé en consultation, parce qu’il avait cassé une chaise sur le bureau de sa maitresse. Il avait été sorti de l’école par les pompiers.
La mère m’expliquait qu’ils se faisaient mettre dehors par tous les praticiens. Toutefois, elle vivait bien ce comportement. D’ailleurs à la fin de la consultation qui fut ainsi tout du long, elle donna une sucette à son enfant.
A l’école
D’après l’équipe pédagogique, les comportements violents et irrespectueux étaient persistants depuis des années. Dans le cabinet, en moins de 5 minutes, il avait bousculé sa mère, jeté des jeux sur ses parents, essayé d’ouvrir la porte du cabinet, tenté d’escalader l’étagère où son père avait posé la clef du cabinet, tapé son père, jeté des jeux sur nous.
En cabinet
Mathis, lors de la consultation suivante cherchait à négocier son accompagnement. Il accepterait de coopérer si je le laissais jouer avec mon chien. Quand je lui demandais de faire un dessin, il sortait du cabinet pour aller courir dehors. Il ouvrait les placards et se servait. Le temps de parler à sa mère, il avait réussi à se rendre sur mon ordinateur et à mettre un dessin animé sur Netflix. Lorsque je lui proposais de lui raconter une histoire, il faisait des bruits, gloussait, criait et finissait par chercher à sortir du cabinet.
Retour
Dans cet exemple, les parents ne sont pas entravés dans leurs décisions. Ils accèdent aux demandes de leur enfant pour lui faire plaisir ou pour se faire plaisir à eux. Pas par peur. Ils ne consultent que parce que le comportement de leur enfant gêne à l’école. L’extérieur est décrit comme peu tolérant. Notamment les praticiens qui les ont éconduit du fait du comportement de Mathis. Lorsque j’évoque les conséquences des comportements (notamment la sucette alors que son fils a eu un comportement inapproprié toute la séance), la maman me dit que ça n’a rien à voir et qu’elle ne donne pas de sucreries. Elle évoque tous les livres de parentalité positive qu’elle a lu et qu’elle sait appliquer.
Bien entendu, la question des interactions familiales se pose toujours. C’est d’ailleurs là le socle des accompagnements. Nous y reviendrons dans un autre article.
L’enfant-tyran et les processus d’interaction
L’enfant tyrannique « prend » le contrôle sur la famille, la hiérarchie familiale est donc inversée. L’organisation de la famille est faite pour ne laisser subir à l’enfant aucune frustration. C’est pour cela qu’il est parfois difficile de « repérer » cet « enfant-tyran » car à l’extérieur il parait calme et conciliant.
La peur de frustrer cet enfant et des conséquences de sa frustration (insultes, menaces, violence, objets brisés, auto-agressions, menaces de suicide, …), la culpabilité, la honte, les renoncements, les sacrifices et l’isolement, font de ce schéma de famille, un schéma unique. Rare, certes, en tout cas dans la proportion des familles que j’accompagne, mais unique.
NOTE : je mets "prend" entre guillemets (dans la phrase "prend le contrôle de la famille") car l'enfant n'a pas décidé, tout petit de prendre le pouvoir et de faire peur à ses parents.
Exemple en consultation : Julien 8 ans
Julien est décrit par sa mère comme étant râleur, jamais content, toujours dans l’opposition, insultant. Elle raconte qu’il mène tout le monde par le bout du nez, et que la maisonnée agit en fonction de lui, « avec lui, on marche sur des œufs ». Il insulte les membres de la famille à travers la porte de sa chambre. Elle prépare les plats qu’il aime à chaque repas. Si elle souhaite proposer autre chose à la famille, elle le fait en plus des plats qu’elle prépare pour lui.
Depuis qu’il est bébé, un rituel du soir s’est installé. Il avait peur de s’endormir seul. Elle a commencé à l’endormir en tenant sa main. Il entrait dans des colères si elle la lâchait avant qu’il ne soit endormi. Quand est arrivée la peur du loup, il a fallu regarder sous le lit et ouvrir toutes les portes. Au fil des années, ce rituel a perduré et s’est sophistiqué : la maman regardait sous le lit, ouvrait les portes, allumait 3 lampes, d’autres actions (que je ne liste pas !) et fini par endormir son enfant en lui tenant la main. Et l’enfant ne supporte aucun aménagement de ce rituel car les terreurs et les cris reviennent aussitôt.
Elle ajoute « à la maison c’est le troisième Reich ».
Elle finit par consulter
Cette mère consultait car depuis quelques semaines, Julien avait peur d’aller manger à la cantine et commençait à refuser de se rendre à l’école. Cela conduisit sa mère à poser des congés car son fils se mettait dans des états de panique terribles le matin. Elle envisageait de changer de travail pour prendre un mi-temps et ainsi aller le chercher le midi. Changer de travail lui faisait peur, d’autant que la perte de salaire faisait peser un gros risque pour la famille.
Selon Julien, tout allait bien à une exception près : sa mère ne lui accordait aucune attention, elle passait son temps à faire le ménage et elle râlait tout le temps. Elle était responsable de son insatisfaction.
« Avec lui, on marche sur des œufs »
Maman de Julien, 8 ans
« A la maison, c’est le troisième Reich »
Dans cette famille, la peur est omniprésente quand Julien est là. Il faut faire attention à tout. La sur-adaptation de la famille et en particulier de la mère aux difficultés de son fils crée un climat d’oppression et de stress. La fratrie entière est stressée d’autant que Julien a une position particulière : il faut lui faire plaisir sinon il va s’énerver. Il n’est donc pas soumis aux même règles que les autres enfants de la famille. Il menace, insulte, frappe ou casse des objets appartenant à la famille.
La mère de Julien a honte et ne parle pas de ce qui se passe. Elle a dû sacrifier ses loisirs, ses sorties, les invitations sur plusieurs jours à cause du rituel du soir, et envisage de renoncer à travailler à temps plein pour s’occuper de son fils. Les décisions parentales sont entravées.
Enfant difficile : d’où proviennent ces comportements ? Que faire ?
Je vous présenterai dans le prochain article, les troubles associés et de nombreuses possibilités de causes, tant chez l’enfant que dans les familles.
Puis nous aborderons divers accompagnements possibles en fonction des profils.
Et je vous donnerai des outils à mettre en place en famille, et des jeux et histoires pour vos enfants.
A très bientôt !
Références :
Barkley R.A., Taking Charge of ADHD -The Complete, Authoritative Guide for Parents, Guilford Press
DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) de l’Association Américaine de Psychiatrie (APA : American Psychiatric Association).
Franc N., Omer H., Accompagner les parents d’enfants tyranniques, Dunod, 2020
Goldman C., Etablir les limites éducatives, Dunod, 2019
Lussier F., 100 idées pour mieux gérer les troubles de l’attention, Tom Pousse, 2011
Omer H., La Nouvelle Autorité – Parents, enseignants, communautés, Broché, 2017
Pleux D. De l’enfant roi à l’enfant tyran, Broché, 2006
Renier J., Schrod H., L’enfant-roi et sa famille, l’enfant-tyran et sa famille, leurs environnements (2008), Médecine & Hygiène : Revue « Thérapie familiale » vol. 69
Richer G., Par le bout du nez : La psychologie de l’enfant-roi, Viamedias, 2006
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